Bois de Morval, PNR du Vexin, 7 avril 2024

Par Étienne Varney

Neuf heures
C’est tôt
Quelques courageux sont là
Bravant les prévisions météo pessimistes
Le bois nous attend
Les spécialistes de micro champignons
Font admirer leurs trouvailles
Les mycètes plus gros
Se font désirer
Quelques rencontres étonnantes
Comme cette Daldinie

Que la photographe immortalise
À bout de bras
Surprise
L’insecte auteur de ce délit
Est là sur le cliché
Sans honte
Platyrhinus resinosus
Continue son festin
Il a pris soin
Tout de même
De rendre ses morsures
Artistiques.

Un groupe de passionnés de l’ANY mais aussi de la SMF (Société mycologique de France) parcourt le bois de Morval, site bien connu du Parc naturel régional du Vexin français, bien connu pour ses terrains calcaires avec moult orchidées à la fin du printemps, connu pour ses belles prairies, pour l’allée couverte du Bois-Couturier, beau monument mégalithique. Encore tôt pour les orchidées, à peine quelques Orchis pourpres en bouton ; mais la remarquable Anémone pulsatile est en pleine floraison.

En revanche, les informations en termes de champignons restent assez méconnues sur ce site. Et nous ne serons pas déçus par notre visite ; témoin, la liste qui comptabilise 50 taxons du règne fongique et 2 myxomycètes qui passaient par là :
Liste des espèces observées.

La première espèce intéressante, a besoin d’un œil aiguisé ; de petits disques infracentimétriques ; leur couleur rouge écarlate trahit leur présence ; la loupe permet d’apprécier leur allure avec des poils brun foncé de longueurs inégales au bord ; l’étude microscopique confirmera Scutellinia crinita.

Au chapitre des champignons printaniers, on observera, entre autres, 3 représentants (en nombre) du genre Helvella :
–  Helvella acetabulum sous feuillus
–  Helvella leucomelaena sous pins
–  Helvella sulcata en prairie sous pins.

Près du monument Néolithique, dans une prairie rase, une mycète omphaloïde nous interpelle ; ses lames foncées ne sont pas courantes chez les Omphalina et Arrhenia ; photographiée, étudiée par plusieurs mycologues, il ne restera X que 2 jours : Arrhenia obatra, espèce nouvelle pour les départements 95 et 78 ; notre inventaire le cite sur une pelouse similaire du 91 (Etréchy).

Vers 16 h, à l’arrivée des premières gouttes de pluies, une partie du groupe tombe sur la dernière rouille de journée, probablement la plus emblématique. Frédéric S identifie au premier regard son hôte, l’euphorbe des bois (Euphorbia amygdaloides). Côte-à-côte et issues du même plant nous découvrons deux tiges florales, l’une portant une fleur "normale" (à gauche), et l’autre, ne lui ressemblant pas (à droite), constituée de plusieurs étages de feuilles virant au jaune (photo ci-dessous). En l’approchant de notre nez nous constatons que cette seconde tige émet une odeur de miel particulièrement agréable rappelant aussi celle des seringas (mock-orange en anglais). En retournant les feuilles nous trouvons de petites coupes jaunes-orangés : il s’agit des écidides de la rouille (stade I) - Endophyllum euphorbiae-sylvaticae - qui parasite la tige et la transforme en "fausse fleur". Les écidies produisent un nectar odorant qui attirent des insectes : ceux-ci s’en nourrissent et, au lieu de polliniser la vraie fleur, se retrouvent à transporter des spores de rouille et contaminent ainsi les autres euphorbes qu’ils visitent. Seul les stades pycniens (0) et écidien (I) existent chez cette rouille, qui n’a donc aucun hôte "alternant". Elle est systémique, c’est-à-dire qu’elle survit sous forme de mycélium dans les tissus de la plante (base de la tige) pendant la "mauvaise saison".

Le second exemple d’interaction tripartite entre une plante, un micromycète parasite et des insectes est celui de la rouille de la mercuriale, particulièrement abondante dans le sous-bois du Bois de Morval : cette rouille à Melampsora rostrupii forme sous la surface des feuilles (aussi sur les tiges qu’elle déforme) des "coussinets oranges" (écidies nues) produisant des écidiospores parfois consommées par des larves de petites diptères - Mycodiplosis sp. - que l’on retrouve sur de nombreuses espèces de rouille (photo dans le portfolio).