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La hache de pierre à travers le monde - de l’outil aux mythes

Le 22 Avril 2023, par Pierre Didier.

par Frédéric Della Giusta

Une hache de pierre... un morceau de pierre, un fragment de roche, un bout de caillou en somme. Avec une certaine dose de morgue (absolument déplacée et même honteuse je dirais, on s’en rend compte après coup), on pense connaitre l’essentiel du sujet sans y avoir consacré davantage qu’une dizaine de minutes à l’école primaire, quand le maitre ou la maitresse tentait désespérément de nous inculquer quelques rudiments de la préhistoire. C’était le temps où on apprenait encore nos leçons par cœur et qu’on devait les régurgiter, debout au tableau, devant un auditoire amusé qui attendait avec gourmandise la faute, le trou de mémoire... ah déjà, on prenait conscience qu’entre la maitresse, grande inquisitrice de la salle de classe, et ces faux frères, là, devant nous, qui ne se bousculaient pas pour nous donner l’impulsion nécessaire à enchainer après la première phrase bredouillée avec difficulté, on prenait conscience dis-je, que la vie ne nous ferait pas de cadeaux... mais je m’égare.
A cette époque bénie (la petite enfance, pas la préhistoire... enfin, question de point de vue), on apprenait que le Néolithique était l’âge de la pierre polie. Maigre bagage finalement, quand on vient assister à la conférence donnée par Pierre Didier, amateur éclairé de hache de pierre depuis plus de 30 ans. Je dis ’amateur’ car Pierre n’est pas historien, ni archéologue, mais aura consacré sa vie professionnelle aux métiers de l’énergie, dédiant uniquement ses soirs et ces weekend à cette passion qu’on devine dévorante en l’écoutant. J’ai écrit ’éclairé’ (ayant fait carrière dans l’énergie, eut-il pu en être autrement ?), mais c’est bien davantage encore, un amateur ’lumineux, brillant, et flamboyant’ . Oui, pas moins... Je sais que, d’une nature modeste, Pierre s’offusquera de cet enchainement de qualificatifs élogieux, arguant que ce qui est excessif est insignifiant, mais le public présent ce jour ne me contredira point.
J’en veux pour preuve le message d’Etienne, notre président, résumé ici : "tu pourras remercier Pierre Didier pour cette brillante conférence. On en sort plus intelligent, ça fait du bien". Ou encore, ce cri du cœur d’un participant en fin de conférence : "Quand est votre prochaine conférence, Monsieur Didier ?".
Voila, tout est dit : il fallait être là ce jour d’hui.

Il n’est pas possible ici de résumer les différents sujets abordés, ni les savoirs qui nous auront été transmis, ni les mille anecdotes qui vinrent éclairer un sujet simple à première vue mais ardu à la seconde, et qui le rendirent subrepticement et irrésistiblement captivant. L’âme de la conférence et du conférencier ne seraient que difficilement et pauvrement restitués si on tentait l’exercice. On se contentera donc de la liste des différents thèmes abordés, afin d’exciter la curiosité du lecteur ou de faciliter la remembrance de ce moment de grâce.

La conférence débute ainsi par une mise en abyme du sujet : oui la hache est un outil, mais c’est bien plus que cela ! Un objet rituel, une offrande, un sceptre de pouvoir, une arme sans aucun doute, un objet de troc... dès l’introduction, on est interloqué, on vacille sur ses appuis...
On passera ensuite par un rappel sur la chronologie propre à la hache de pierre afin de la resituer dans l’histoire, dans notre histoire devrais-je dire, et dans le présent de quelques peuplades reculées d’Asie notamment. Car oui, en Papouasie Nouvelle Guinée notamment, on polit encore ou on polissait jusqu’au moins la fin du XXe siècle.
Après ce passage par différentes époques et tous les continents (quel voyage mes amis !), on aborde un sujet cher à nos géologues : les différentes roches utilisées (une trentaine pas plus se prête à l’art de la hache polie) et leurs caractéristiques fondamentales : la dureté), on s’en doute, et la ténacité (on ne s’en doutait pas du tout), notion qui mesure la capacité d’une roche à rester cohérente sous une contrainte.
On survole les différentes étapes de la fabrication de la hache ; oui le temps court et vole sans même qu’on s’en aperçoive et on doit aller vite sur certains points qui mériteraient que l’on s’y arrêtât davantage.
On passe un long moment sur la valeur symbolique attachée à l’objet dans différentes cultures, à différentes époques. Il s’agit là sans aucun doute de la révélation (au moins pour ce qui me concerne) de cette conférence : Objet religieux, cérémoniel, de parade, offrande aux Dieux, qu’on se procurait à grands frais et à grand peine de travail, parfois au gré de voyages extraordinaires de plusieurs milliers de kilomètres (Pierre nous mentionne une hache en une roche du Nord de l’Italie dont, hache retrouvée en Bretagne)... Je mentionnai une mise en abyme en introduction, nous en frôlâmes le bord vertigineux à plusieurs reprises.

La conférence se termine par une séance de questions qui achève d’illuminer le sujet. On aura passé deux heures entières en ayant perdu toute notion du temps, preuve, s’il en fallait une, que la conférence et le conférencier furent captivants. Pour se remémorer cette conférence (ou prendre amèrement conscience de ce qu’on a raté, pour ceux qui ont fait l’école buissonnière), on pourra se référer à la présentation disponible ici ou au bas de cette page. Pour approfondir, on pourra évidemment se procurer, comme je viens de le faire d’ailleurs, l’ouvrage de l’auteur, disponible dans toutes les bonnes librairies !

En conclusion, je remercierai chaleureusement Pierre Didier de nous avoir ouvert une porte sur un monde stupéfiant, extraordinaire, insolite, par cette conférence qui laissera une trace indélébile dans nos esprits et agira peut-être comme une petite graine plantée dans l’esprit de certains spectateurs. Pierre mentionna que sa passion débuta par une hache qui lui fut offerte il y a près de trente ans. Et si tout recommençait ailleurs par une conférence ?

Véritable symbole du Néolithique, la hache de pierre polie est présente pendant cet ultime épisode de la préhistoire sur tous les continents et dans presque toutes les cultures. Son utilisation se prolonge, parfois très tardivement, au sein de communautés des Amériques, d’Asie et du Pacifique. Bien connue comme outil de défrichement des forêts et de travail du bois, elle l’est moins en tant qu’objet rituel alors que ce phénomène revêt une importance majeure et un caractère presque universel. À travers de nombreux exemples richement illustrés, cet ouvrage présente comment les lames de pierre, nées de l’incroyable créativité des peuples qui nous ont précédés, ont été fabriquées, utilisées et interprétées. Des premiers agriculteurs, il y a dix mille ans, aux tribus papoues qui polissaient encore des haches à la fin du XXe siècle, des souverains de la Chine ancienne aux prêtres mayas, ce livre dévoile les nombreuses fonctions techniques ou rituelles qu’elles ont remplies et les mythes extraordinaires qui les ont accompagnées.

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Pierre Didier

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