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Pièce d’eau des Suisses, Versailles, 30 novembre 2024

Sortie mycologique

Pèlerinage Aux Suisses

En ce samedi, dernier jour d’un mois de novembre pluvieux et gris, les pèlerins de l’ANY se regroupent sur les hauts de Versailles, à l’angle de l’avenue Clément Ader et de l’allée des peupliers, pour la fête votive dédiée aux hygrophores, paroxysme d’une saison mycologique finalement assez pauvre, sans doute et curieusement en raison d’un automne très pluvieux. Ils sont venus de toutes les Yvelines, comme une répétition, une semaine avant, à la réouverture de Notre Dame de Paris après cinq longues, et finalement courtes, années de reconstruction. Ici, le monument à fêter, outre l’hygrophore, est le château de Versailles, qui émerge de brumes vaporeuses au bout d’une longue perspective offerte par un non moins monumental bassin, j’ai nommé, la Pièce d’Eau des Suisses.
Car oui, la vue sur le château est à couper le souffle : une perspective peu commune, qui offre ce bâtiment majestueux d’une vue de coté, en prolongement d’un bassin plusieurs fois olympiques. Ce monument d’histoire émerge d’une brume éthérée propre aux glaciales journées de fin novembre, éclairé d’une pâle lumière orangée qui sublime ses contours anguleux... C’est beau comme un hygrophore... Car oui, la vue est magnifique, on vient de près et de loin pour l’admirer, etc etc, mais on n’est pas venu se geler aujourd’hui pour ça. Ah non ! Je serais presque tenté de dire : on s’en moque ! Ils sont venus, ils sont tous là, pour une seule et unique chose ! Admirer ce que le règne fongique a fait de plus extraordinaire (si si si, on peut oser le dire sans rougir), j’ai nommé, les hygrophores.

Chateau, au loin

Adoncques, on vient Aux Suisses comme on vient en pèlerinage. On se penche, on se plie en signe de déférence, on baisse la tête et les yeux, scrutant les herbes avec attention, et on progresse à genoux dans l’herbe mouillée, marquant chaque arrêt d’une prière, comme au chemin de croix, en luttant contre le froid qui monte peu à peu des orteils pour se répandre dans tout le corps. On supplie le Très Haut de nous accorder encore cette fois la joie intense d’admirer ce que Versailles offre de plus grand, de plus beau, de plus bouleversant...
Et soudain, comme une apparition mystique, le premier apparait. On commence doucement, comme pour habituer progressivement les sens au choc qu’on ne manquera sans doute pas d’avoir quand on verra le... ah mais non, silence, pas encore... patience... Ce premier hygrophore est d’allure modeste, dans la mesure ou ses couleurs sont plutôt ternes mais tout de même agréables à l’œil, d’un brun orangé clair et translucide. Il s’agit de Cuphophyllus pratensis, qui a été trouvé ici 5 fois seulement lors des 25 dernières années, et chaque année depuis 3 ans, allez comprendre.

Cuphophyllus pratensis

Voila qui donne confiance pour la suite de ce voyage initiatique. Après quelques informations dispensées par l’Abbé Étienne, on reprend notre quête d’éternité aux sons des chants dont les notes s’élèvent dans le ciel versaillais : Que tes œuvres sont belles, Que tes œuvres sont grandes..." . C’est comme un appel à plus d’hygrophores, plus de couleurs, plus d’émotions : "Laissez les hygrophores venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent" (variation de l’Évangile selon St Marc, chapitre 10, versets 14).
Et hop, tout soudain, 2 nouvelles espèces se jettent en travers de notre chemin, comme une apparition mariale : Cuphophyllus virgineus, l’hygrophore blanc de neige, et
Cuphophyllus russocoriaceus, l’hygrophore à odeur de cuir de Russie. Que dire ? Les mots manquent... Les sens sont subjugués par tant de grâce... On ne peut que contempler en conservant le silence et le recueillement qui sied à l’instant.

Cuphophyllus virgineus
Cuphophyllus russocoriaceus

On se recueille donc quelques instants mais déjà un pèlerin, qui s’était écarté, appelle à lui la dévote troupe : "Là, là, ici, parmi les herbes vertes, je crois voir des champignons verts eux aussi !". Et bien oui, ces champignons sont bien verts et bien frais pour autant. Gliophorus psittacinus, l’hygrophore perroquet, qui peut être jaune ou violet, brun ou vert, un arc-en-ciel à lui tout seul.

Gliophorus psittacinus

Nous empruntons cet arc-en-ciel pour aller encore plus haut vers les cieux, à la recherche de cet hygrophore qui a convaincu plus d’un homme d’embrasser les ordres mycologiques. La quête devrait être de courte durée, déjà car la surface de pelouse favorable aux hygrophores n’est pas énorme, circonscrite au fond du bassin. Ensuite, parce que quand on sait où chercher, ça va quand même plus vite. Cependant, le ’spot’ habituel du haut de la pelouse ne nous offre rien cette année. On a beau passer et repasser, à genoux, en égrainant un chapelet "Hygrocybe coccinea, qui es in caelis...", rien... Le ciel semble rester sourd à nos suppliques.
On garde cependant la foi, une foi simple et humble. Et on fait bien, puisque "Bienheureux les simples d’esprit, car le Royaume des cieux est à eux ! » (Matthieu chapitre 5, verset 3). Et soudain il s’ouvre devant nous, l’Eden, le paradis. Comment, mieux que par cette allégorie, rendre l’émotion qui submerge le flagellant quand il aperçoit enfin le Graal de sa quête ? C’est sublime, c’est majestueux, c’est splendide, c’est merveilleux, c’est bellissime, c’est miraculeux, c’est magnifique, c’est éblouissant... Les étoiles, tombées du ciel, ont embrasé la prairie où il reste ces quelques braises rougeoyantes. On ne peut que se prosterner en lançant des "Allleuia ! Alleluia !".

Hygrocybe coccinea

Après avoir vu ça, on peut mourir tranquille, aurait dit Thierry Roland. Je propose d’ailleurs d’en rester là pour cette année, car on ne fera pas mieux. Le reste de la sortie n’aura du reste servi qu’à nous permettre de recouvrer nos sens avant de s’en retourner saint et sauf chez soi, dans l’attente du printemps et de ses miracles mycologiques (morilles, tricholomes de la Saint George, etc.). D’ici là, un Joyeux Noël à tous !

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Feuille de châtaignier Parasola conopilus Recherche de l'espèce rare Couché de soleil Stropharia cyanea Bjerkandera adusta Chateau de Versailles Observation, interrogation, circonspection, détermination ! Paralepista flaccida Peziza varia Phlebia tremellosa Clavulinopsis corniculata Botrytis cinerea Volvopluteus gloiocephalus Coprinellus domesticus Clavulinopsis luteoalba Hygrocybe coccinea Clavulinopsis corniculata Marasmius epiphyllus

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