(Par Étienne Varney)
Nous étions un douzaine de personnes à répondre au double appel de l’ANY et de la Réserve Naturelle des Etangs et Rigoles d’Yveline qui englobe depuis avril 2021, l’ancienne Réserve naturelle nationale de Saint-Quentin-en-Yvelines. Et c’est sur cette dernière partie que allons aujourd’hui, zone rattachée à l’Ile de Loisirs de Saint-Quentin-en-Yvelines
Cyril, notre sympathique hôte, nous explique l’étendue et l’origine de ce réseau d’eau datant de l’époque du Roi soleil, construit afin d’alimenter les bassins du Domaine de Versailles, et son intérêt en termes de biodiversité : en particulier, l’étang de Saint-Quentin où l’on peut observer la moitié des espèces d’oiseaux de France. Intérêt pour les chauves-souris dans d’autres parties de la réserve…
Mais certes, nous ne sommes pas là pour ces « volatiles » ! Il nous ouvre les portes de la très secrète « Réserve naturelle nationale des étangs et rigoles d’Yveline », zone protégée des badauds par une enceinte grillagée. Ce privilège est accordé à L’ANY car notre association inventorie depuis plusieurs années les champignons de St-Quentin.
Donc le petit comité pénètre en silence dans le lieu ; n’éveillons pas les convoitises. Quelle surprise nous attend ?
Bon, soyons franc :
Bolets : 0, Amanites : 0, Cortinaires : 0, Russules : 0, Lactaires : 0, Chanterelles : 0.
Nous sommes venus affronter les froidures de la bise ; nous avons traversé la grisaille de Toussaint ; Pour voir quelques ronds de sorcières de gros Clitocybes nébuleux dont la couleur terne n’est pas là pour remonter pas le moral. De toute façon, on ne peut pas sortir de champignons de la réserve. Et en termes de comestibilité avec cette dernière espèce, on recommande la prudence : Clitocybe nebularis, appelé gris des sapins dans le Jura est très courant dans nos forêts franciliennes de feuillus à l’arrière-saison ; les ouvrages récents ne l’indiquent plus « comestible » car il peut causer des désordres gastro-intestinaux ou autres ; on évitera donc sa consommation.
Mais les participants gardent le moral et ils ont raison :
Si les champignons mycorhiziens restent rares (quelques Laccaria affinis) autour des rares chênes isolés, les champignons décomposeurs (surtout saprophytes, donc sur végétaux morts) d’en donnent à cœur joie :
D’abord quelques Ascomycota présentant un festival de couleurs :
– La pézize turquoise (Chlorociboria aeruginascens) aux apothécies bleu-vert ; par ailleurs, le mycélium turquoise colore le bois (xylindine) qui était utilisé en ébénisterie (placage) et en marqueterie depuis le XVe siècle (Renaissance italienne). Le rôle de cette coloration pour le champignon est peut-être une fonction de défense contre les insectes comme agents de guerre chimique ; à l’instar d’autres tannins chez des végétaux ou différents champignons.
– L’Hélotie jaune citron (Bisporella citrina) nombreuses petites coupes jaunes sur tronc couché
– Scutellinia crinita, petites coupes rouge orangé à marge à poils brun noir
– La Pézize écarlate (Sarcoscypha coccinea), à coupe rouge
– Ascocoryne sarcoides en lobes violet-rose de consistance gélatineuse.
Puis divers Plutées :
– De nombreux Plutées couleur de cerf (Pluteus cervinus) de taille moyenne
– Le Plutée à pied gris (Pluteus griseopus), petite espèce peu répandue au chapeau brun granuleux
– Pluteus pallescens, rare espèce déterminée au retour à la maison (décrite dans la liste jointe), c’est la première occurrence de ce taxon dans notre inventaire ! On notera le chapeau en partie hygrophane
– Le Plutée cendré (Pluteus thomsonii) assez rare et au chapeau étonnamment ridé, en relief.
Et plein d’autres espèces lignicoles,
– L’Oreille de judas (Auricularia auricula-judae), nombreux sur sureau et autres supports
– Diverses tramètes élégantes (Trametes versicolor, Daedaleopsis tricolor)
– Quelques polypores.
Et pour clore le spectacle, vous l’avez attendu ; on l’avait annoncé ; allait-il faire un caprice de star ; et ne point être au rendez-vous. Tambour, trompettes : sur deux tronc d’orme, il est là, Mesdames et Messieurs, le magnifique, l’inoubliable Rhodotus palmatus (que je ne présente plus malgré sa rareté).
Le lieu mystérieux a délivré quelques-uns de ses secrets ; nous ne dirons pas tout ! Restons entre initiés de la RNN.