par Frédéric Della Giusta
Toute la pluie tombe sur moi de tous les toits
À chaque instant, je me demande vraiment
Ce qui m’arrive et ce que j’ai fait au Bon Dieu
Ou à mes aïeux pour
Qu’autant de pluie tombe, soudain comme ça, sur moi
Mais je me dis qu’au fond
J’en ai reçu bien d’autres dans ma vie
Que je m’en suis toujours sorti avec le sourire
Toute la pluie tombe sur moi
Oui mais moi je fais comme si je ne la sentais pas
Je ne bronche pas, car
J’ai le moral et je me dis qu’après la pluie
Vient le beau temps
Et moi j’ai tout mon temps
Toute la pluie tombe sur moi - Sacha Distel
Vendredi 18 octobre. Le bulletin météo n’est pas encourageant, doux euphémisme... Après une semaine de pluies intenses, qui a vu la France sous les eaux, on annonce encore de l’eau. Par facilité et dépit, on serait tenté de se contenter d’un "Que d’eau, que d’eau !" (Mac-Mahon, à la vue des inondations catastrophiques à Toulouse le 26 juin 1875). Mais préférant citer Sacha Distel, on lance "je me dis qu’après la pluie vient le beau temps, et moi, j’ai tout mon temps". Oui, il faut toujours voir la vie du bon coté. A quoi bon pester contre le temps, ça n’y changera rien. En effet, et pour clore cette introduction farcie de citations, finissons par celle : "Mon Dieu, accordez-moi le courage de changer les choses que je peux changer, la sérénité d’accepter celles que je ne peux changer, et la sagesse d’en connaître la différence" (prière des alcooliques anonymes).
Bref, et puisqu’il faut rendre compte des activités mycologiques de ce vendredi, disons simplement qu’un ramassage pour l’exposition a eu lieu dans les forêts des Grands Bois et de Marly. Un grand merci aux bénévoles, merci au temps qui aura été finalement clément le temps de la cueillette, merci à Yves et Etienne d’avoir guidé les troupes de ramasseurs, merci la vie. Petite angoisse tout de même à l’issue de la récolte : nombre de champignons sont imbus : imbus d’eux-mêmes à l’idée d’être exposés au public, mais surtout tout imbus d’eau, et mangés par les escargots et limaces. Heureusement, les récoltes apportées durant les deux jours d’expo viendront effacer l’appréhension du vendredi, car les exemplaires amenés sont, dans leur vastes majorités, forts présentables (sauf accident de transport, toujours à craindre).
Le samedi matin à l’aube, c’est l’effervescence dans la salle des fêtes du Chesnay-Rocquencourt. On installe les tables, on place les chaises qui serviront pour les conférences, on déploie l’étendoir à linge-présentoir de l’expo photo, et une fois la mise en espace réalisée, on cherche l’assentiment dans le regard du chorégraphe en chef, Frédéric D’H., qui opine du hochet et valide le travail. Ouf ! Ou comme disent les Américains : "Check".
Commence alors le déballage des champignons, leur identification, la mise en assiette et leur distribution dans leur espaces réservés : ici les russules, là les cortinaires, au fond les polypores, les amanites sous la fenêtre, etc. On habille également les murs de panneaux pédagogiques, panneaux qui remportent tous les ans un vif succès auprès des visiteurs, notamment ceux présentant les cohortes d’espèces associées à différentes essences d’arbres.
Pendant que les mycologues s’éreintent à la tâche (car oui c’est éreintant, même si ça procure un plaisir certain), Marie-Lou - quoique je fasse, il me vient instantanément à l’esprit "goooodbye, Marie-Louuu"... mais je m’égare -, Marie-Lou, disais-je, déploie des assiettes de fruits de rosacées et quelques bouquets de feuilles de même (il faut avoir pratiqué l’héraldique pour saisir le sens et la beauté de cette tournure de phrase).
L’avantage pour les mycologues d’avoir une expo de rosacées sous la main, c’est qu’elle comprend des abricots, des framboises, des fraises, des pommes et des poires (et des scoubidou-bidou, ah ! du même Sacha Distel, décidément !). Mais pourquoi parler d’"avantage" lorsqu’il s’agit d’exposition botanique et scientifique ? Et bien, je peux l’avouer maintenant, au fil des heures, les fraises et framboises disparaissaient, sans que je n’y sois totalement étranger. Mais je n’en dirai pas plus, je risque gros.
Merveilles de la nature qu’on ne peut guère exposer qu’en photo, les oiseaux, fleurs, insectes, et petits mammifères, trouvent leur place en face de l’entrée, place de choix s’il en est. Si on ajoute que l’endroit est judicieusement placé sur la diagonale reliant le bar au lieu de conférence, on comprendra que chacun devra forcément passer par là. Mais on ne s’approche pas de ces clichés par obligation. On y va par curiosité, et on y reste par admiration. Il fallait le voir pour le croire - j’espère que vous êtes venu, avez vu, et avez vaincu ? non, cru.
Deux cadres sont là pour rappeler que les champignons, dont certains sont décomposeurs des végétaux, sont eux-mêmes l’objet des gourmandes convoitises des insectes... Inutile de dire que cette concurrence déplait fort aux mycologues. Mais ici il s’agit de science, d’apprendre à reconnaitre (l’ennemi) les insectes mycophages, et de saluer le travail remarquable de Jean-Marc.
Désormais attraction incontournable, le panier de champignons célébrant les visiteurs à l’entrée de la salle des fêtes, est composé et mis en place par Chanh-Tha. On a beau vouloir gommer les différences entre hommes et femmes en cette période woke, la brutalité du réel vient encore une fois nous frapper la face de plein fouet : seule une touche féminine, quasi-divine, peut expliquer cette mise en scène sobre mais enchanteresse. Je n’en démordrai pas. Et tous les visiteurs auront, comme un seul homme (ou femme), salué la grâce de ce panier d’accueil.
L’expo ouvre enfin le samedi à midi trente, par l’inauguration de Monsieur le Maire. S’ensuit des allers et venues incessants de badauds, de curieux, de passionnés, d’anonymes comme de figures tutélaires de l’ANY.
Chaque après-midi, deux conférences viennent étancher la soif de savoir mycologique des visiteurs :
Sans doute le peu de publicité faite autour de l’événement, ou le début des vacances de la Toussaint, explique le faible nombre de visiteurs. Mais la qualité aura largement supplanté la quantité. Bref, encore un grand cru, un millésime qui aura vu Jean-Baptiste Perez nous faire l’amitié d’une visite depuis la Lorraine avec des truffes de ses récoltes et son chien truffier.
En guise de conclusion, je dirai simplement : Vivement l’expo 2025 !