Le changement climatique a des effets qu’on va sans doute découvrir pendant longtemps encore. L’un deux, pas particulièrement réjouissant, est de basculer de 4 à 2 saisons : la saison des pluies et la saison chaude. Exit le printemps et l’automne. Nous sommes donc en hiver depuis plus de 6 mois et ce dimanche de juin est, de ce point de vue, remarquable : il pleut, comme depuis 2 ou 3 mois sans discontinuer ou presque, et il fait presque froid avec 19 degrés à peine. Mais sans être défaitiste, c’est comme ça et on n’y peut pas grand chose à notre échelle de naturaliste yvelinois. Quand on y pense, tout ça peut avoir des conséquences stupéfiantes : faudra-t-il amputer le concerto de Vivaldi de 2 saisons ? Et alors, comment agrémenterons nous les attentes téléphoniques ? tata tata tadadaaaa, tadada tata tadadaaaa... Voila une question existentielle qu’on ne cherchera pas à traiter aujourd’hui, il fait trop humide pour réfléchir, on vient de vous le dire.
On pourrait penser qu’avec toute cette eau, les champignons sont à la fête. Eh bien... pas vraiment ! Les quelques sorties préparatoires, et la sortie à l’Etang de la Porte Baudet il y a 2 semaines, ont bien mis en évidence que le champignon est rare ; pas absent, mais rare. Il manque donc quelque chose pour que le champignon foisonne. L’eau ? non, on vient de dire qu’il y en a plus que de raison. L’envie ? sans doute pas, le champignon n’est pas ceux qui se font prier. La chaleur ? ah ça, il est certain que ça manque !!! Ca manque mais ça n’empêche pas le valeureux cueilleur de l’ANY de se lever à l’aube pour participer à la désormais célèbre (et enviée) sortie myco de la Gare de Saint Nom. 16 ou 17 personnes sont tombées du lit et ont apporté avec elles la chaleur qu’il manque à leur décor (petite variation des Gens du Nord, d’Enrico Macias - seuls les plus de 50 ans comprendront).
Une fois l’appel réalisé, nous nous enfonçons dans la Forêt de Marly par le chemin qui longe la voie ferrée. On s’égaille bien vite pour maximiser les chances de récolte, et on fait bien ! A peine entrés en forêt, quelques amanites (Amanita Fulva et A. Rubescens) se jettent sous nos pieds et nous font la fête. Un joli bouquet de Coprins micacés (Coprinellus micaceus) se fait remarquer également. On en recueille un exemplaire, on aura l’occasion d’admirer ses spores en forme de mitre d’évêque lors de l’atelier microscopie de l’après midi. On croise aussi quelques russules à l’aspect similaire, et notre Mâge Etienne les départage grâce à quelques philtres (dont un magnifique cristal de sulfate de fer) dont il a le secret : Russula grisea, Russula langei, Russula cyanoxantha, toutes trois au chapeau anthracite-violet.
Nous empruntons ensuite quelques chemins boueux (dominante de la journée) et ratissons tout sur quelques hectares de forêt épaisse. La progression est rendue difficile par la végétation luxuriante, à tel point qu’à un endroit, le chemin s’évanouit proprement dans les fourrés. Moment d’angoisse... Comme dans les mauvais films d’horreurs, nous faisons plusieurs groupes de un pour explorer alentours. Mais bon, le danger est assez limité, même si on pourrait tomber sur des hardes de sangliers, à en juger par les traces dans la boue. On cherche, on tourne (en rond), on revient sur ses pas... Le succès n’est guère au rendez-vous. On observe alors la mousse sur les troncs d’arbre, le vol des passereaux, quelle serait la course du soleil s’il y en avait, et une application de géolocalisation sur un téléphone, et hop, nous voila repartis dans la bonne direction. Nous franchissons un torrent tumultueux sur un pont de fortune, et c’est reparti pour une exploration des plus fructueuses : Pluteus nanus, Pluteus cervinus, Pluteus phlebophorus, c’est la fête aux plutées !
On reprend notre balade en sifflotant, parmi les chênes, les charmes, les hêtres, les érables, les châtaigniers, les bouleaux, les noisetiers... Notre druide, Etienne, nous enseigne mille et un secret sur les arbres de la forêt. Ca occupe bien quand le champignon se fait rare, et c’est très intéressant au demeurant, donc pourquoi se priver ? Je ne retranscrirai pas ici ces enseignements. Il est des secrets qui doivent rester tus (ou, comme diraient les Américains : what happens in Vegas stays in Vegas). N’insistez pas.
Alors que la pluie cesse et qu’un rayon de soleil timide tente de crever les nuages, on se rend compte qu’il est déjà l’heure de rentrer. Les gargouillis de l’estomac sont un signe de la nature qu’il faut savoir repérer, et qui (chez moi tout du moins), indiquent avec une précision suisse qu’il est l’heure de manger. C’est ça aussi, etre naturaliste.
Le groupe s’en repart alors vers les voitures, et se sépare bien à regret. 36 espèces auront finalement été récoltées mais pas toutes déterminées, sans quoi on n’aurait plus rien à faire pour l’atelier microscopie de l’après midi.
Nous nous retrouvons donc après déjeuner au local de l’ANY, Villa Chèvreloup, pour une séance de science pure. Autant la détermination sur le tas et dans la forêt peut être aléatoire (si !), autant avec le microscope on ne rigole plus. A grand renfort de littérature spécialisée, nous parvenons, non sans peine, à déterminer 3 belles espèces :
Voila encore une belle journée mycologique. Si le temps avait été plus clément, on aurait classé cette sortie parmi les plus belles de l’année. Ceci dit, ça n’a aucun sens... à l’ANY, toutes les sorties sont formidables !