par Frédéric Della Giusta et Etienne Varney
Cours ! il y a les bisons
Je cours
À en perdre haleine
Et trébuche
Dans la grande prairie
Me retourne
Et aperçois un mouton
Cette vaste plaine
Porte à rêver
Et pourtant
En me relevant
Je vois une merveille
Celle-ci bien réelle
Un Hygrophore
Aux couleurs éclatantes.
Le Bois de Morval que nous proposions d’arpenter ce samedi 19 Novembre, se situe dans le Parc naturel régional du Vexin français.
Voici quelques chiffres qui aideront à mieux appréhender l’exceptionnel territoire dans lequel l’ANY nous convie aujourd’hui (et alternativement, pourront en inspirer certains en vue de compléter une grille de loto) :
Quelques informations géologiques liminaires essentielles à l’appréhension et à la compréhension de la spécificité de la fonge du lieu nous sont d’entrée enseignées par Maître Etienne : le sage tapisse de lumière le chemin de ses disciples ! Outch !
Légende :
Nous retiendrons de cet éveil à la science de la terre que nous allons prospecter des terrains à dominante calcaire dans la partie nord du bois et les pelouses avoisinantes. Ces prairies portent au printemps un cortège d’orchidées sauvages absolument époustouflantes et à la période propice, des champignons communs aux plaines herbeuses et aux sous-bois, et d’autres spécifiques aux terrains calcaires qu’on ne trouve guère qu’a cette sortie ou encore dans le forêt de Beynes, elle-même calcaire. Mais n’en disons pas plus pour le moment. Il faut laisser le temps d’assimiler ces premières connaissances dispensées par Maitre Etienne, avant que l’esprit ne soit de nouveau réceptif à de nouveaux savoirs.
Nous débutons alors la promenade mycologique en empruntant l’étroit chemin qui serpente dans le bois en contrebas de la route. On y trouve quelques champignons communs aux forêts de feuillus qu’on a l’habitude de prospecter, des espèces que l’on trouve aussi bien en Forêt de Marly qui n’a pas grand-chose de calcaire... Fallait-il donc allez si loin pour ça ? Oui d’abord, car les voyages forment la jeunesse dit-on, l’air du Vexin est clair et pur, et puis, il faut savoir patienter, Petit Scarabée ! Ici donc, on croise l’air de rien Coprinopsis picacea (le Coprin pie), Auricularia mesenterica (l’Oreille poilue), Apioperdon pyriforme (la Vesse de loup en forme de poire), Coprinellus micaceus (le Coprin micacé), et quelques autres banalités.
Soudain (appréciez ce sens du suspens), juste avant d’arriver à la première prairie, un cri retentit... Quid ? Une attaque de champignons sauvages ? Pire encore ? Non, rien de grave mais un rencontre exceptionnelle ! Sur un tronc couché, probablement d’orme, deux champignons saprophytes :
Auricularia auricula-judae (L’oreille de Judas), proche du champignon noir chinois qu’on retrouve par exemple dans le riz cantonnais. bref, pas de quoi fouetter un chat chinois,
Et surtout, le rare Rhodotus palmatus (le Rhodotus réticulé) à l’odeur fruitée et à la couleur d’abricot. Son chapeau veiné est tout à fait mis en valeur par l’exceptionnelle capture picturaaaale (la photo, quoi) de Nathalie.
Les heureux participants à la sortie de la Réserve naturelle de Saint-Quentin il y a deux semaines à peine diront qu’on l’a déjà rencontré là-bas, ce champignon rare et exceptionnel... Ne serait pas finalement une triste banalité de plus ? NON ! Que nenni ! La foudre nous est tombé deux fois de suite sur la tête plutôt, et bénissons le ciel pour cela !
Une fois l’émotion passée et nos esprits recouvrés, nous pénétrons dans la prairie calcaire à l’herbe rase. On se positionne en rang d’oignons et on avance à la recherche des Hygrophores, joyaux de la nature !
Vain dispositif : nous ne trouverons qu’une seule espèce : Hygrocybe conica (l’Hygrophore conique) mais en nombre et de couleur variés, allant de l’orange au noir (quand les exemplaires sont âgés), le plus souvent d’un beau rouge écarlate, et parfois jaune. C’est beau mais c’est peu... On reste un peu sur sa faim. On pourra cependant se rassasier en consultant le bestiaire à Hygrophore de l’ANY dans cet article inoubliable (ah ! modestie, quand tu nous tiens !).
Un peu plus loin, second moment de grâce (par pitié, n’en jetez plus !) : Un champignon de valeur patrimoniale, spécifique de ces pelouses calcaires : Entoloma incanum (l’Entolome à pied vert), très rare, reconnaissable grâce à son pied vert fluo, mais malheureusement déjà un peu vieux.
Le reste de la balade sera heureusement plus calme en émotions.
Dans ces vastes plaines, on n’aura donc pas vu d’hygrophores ou trop peu, pas rencontré non plus ces bisons disparus depuis bien longtemps mais qui devaient être nombreux encore à l’érection de l’Allée couverte du Bois-Couturier, pas plus croisé ces moutons qui paissent paisiblement l’été pour entretenir la prairie et l’empêcher de se recouvrir d’arbustes.
Malgré ça, coté champignons, la récolte aura été plus que raisonnable, avec 53 espèces au total : liste des espèces observées.
Une sortie avec un temps clément, des participants passionnés et charmants, Maître Etienne qui nous aura abreuvé de savoir et de sagesse, des paysages fabuleux... ce pèlerinage de trois heures aura été trop court ; on aimerait le prolonger mais la nuit tombe déjà, dévoilant des couleurs inattendues dans le ciel de novembre.
Et voilà. À très bientôt pour de nouvelles aventures mycologiques, avec ou sans bisons, avec ou sans moutons, mais avec vous tous je l’espère !
(Photos Frédéric Della Giusta, Nathalie Volevatch, Jacques Viel & Étienne Varney)