Par Michel Nicolle
Senecio inaequidens D. C., 1838
Séneçon du Cap, Séneçon à dents inégales, Séneçon Sud-africain, Séneçon à feuilles étroites, Séneçon de Mazamet.
Famille des Astéracées.
Après les belles couleurs automnales la flore se fait rare et timide. Une fois n’est pas coutume, voici, ce mois-ci, une plante assez commune, le Séneçon du Cap, Senecio inaequidens, dont la floraison est très étalée sur l’année, de mai à décembre. C’est surtout à partir du mois d’octobre, quand pratiquement plus aucune autre plante n’est en fleur, que sa pleine floraison devient spectaculaire. C’est une exotique naturalisée dans une grande partie de l’Europe et que certains botanistes considèrent comme envahissante.
Malgré plusieurs flores à grande diffusion l’ayant mentionné sous le nom de Séneçon Sud-africain, le nom le plus en usage actuellement semble être le Séneçon du Cap. Cependant, le nom qui devrait être utilisé, traduction de son nom scientifique, est celui de Séneçon à dents inégales.
Le Séneçon du Cap, vivace herbacée, dont les touffes ont une longévité de 5 à 19 ans, a été introduit en Europe vers 1900 (Ernst, 1998) via le commerce de laine en provenance d’Afrique du Sud. En France les premiers recensements de l’espèce datent de 1936 dans la petite ville lainière de Mazamet (Tarn, Midi-Pyrénées) (Guillerm et al., 1990) où des graines étaient probablement accrochées à des toisons de moutons venus d’Afrique du Sud.
Le Séneçon du Cap est longtemps resté cantonné à proximité des zones où son implantation a commencé : zones portuaires, zones de transbordement de la laine et usines textiles. Puis il s’est répandu plus rapidement au 20ème siècle, essentiellement dans le Sud et l’Ouest de l’Europe, en utilisant essentiellement les voies de communication et en particulier les voies ferrées.
Il a depuis envahi le Nord de la France et la région méditerranéenne mais il est présent sur quasiment tout le territoire français (CBNFC, 2007). Malgré sa présence ancienne, ce n’est qu’à partir des années 1980 que cette plante Sud-africaine s’est montrée envahissante dans certaines conditions.
Il faut dire que la plante réunit un certain nombre d’avantages qui facilitent son expansion :
– Elle fleurit pratiquement toute l’année.
– Ses graines, d’une longévité de 5 ans, sont facilement dispersées par le vent et les poils des animaux.
– Elle résiste bien aux incendies, qui semblent même faciliter sa croissance.
– Pour s’imposer, cette espèce pourrait émettre des substances racinaires phytotoxiques dans le sol. Ces substances agiraient en neutralisant la germination des graines des autres plantes.
On notera que les parties aériennes contiennent des alcaloïdes, ce qui rend cette plante toxique pour les herbivores (cette caractéristique serait commune à la plupart des représentants du genre Senecio).
Senecio vient du latin, dérivé de senex, vieillard, ancien, car les aigrettes blanches, souvent duveteuses, surmontant les akènes, rappellent la chevelure des vieillards.
Inaequidens vient du latin inaequatus, inégal et de dens, dent, en référence à la dentelure inégale du bord des feuilles.
Le Séneçon du Cap s’installe dans les zones rudérales très peu végétalisées, les terres ouvertes et perturbées, formant de grandes populations le long des voies ferrées et des routes. C’est une adventice des pâturages et des cultures, notamment les vignobles.
En Île-de-France il est principalement localisé à la petite ceinture parisienne, Yvelines, Seine-et-Marne. C’est une espèce dynamique en forte progression dans le Bassin parisien.
Le Séneçon du Cap prolifère quand sont réunies les trois conditions suivantes :
– Sol drainant.
– Très fort ensoleillement.
– Chaleur dans les couches atmosphériques au ras du substrat.
Par leurs aménagements, les hommes ont sensiblement augmenté les surfaces couvertes par de tels milieux « entretenus » de plus par de puissants traitements chimiques, rendant encore plus faible, voir nulle, la liste des plantes indigènes supportant ces conditions.
Senecio inaequidens a passé avec succès l’épreuve des herbicides. Supportant pratiquement tout il était dès lors normal que cette espèce s’installe dans les vides liés aux zones anthropiques. Cependant, sauf en région méditerranéenne, le Séneçon du Cap ne peut être considéré comme une exotique véritablement envahissante, étant fortement limitée par la grande rareté des milieux naturels qui pourraient lui être favorables.
Le système racinaire forme un réseau dense et superficiel qui fait que la plante peut se développer sur des sols très peu épais.
La partie aérienne, glabre, de 20 à 60 cm de hauteur, est très rameuse et persiste en hiver
La tige, à la surface cannelée, est pleine.
Les feuilles, vert clair, de 3 à 7 cm de longueur, sont alternes, sessiles et légèrement embrassantes par deux lobes.
Elles sont entières et étroites (3 mm de large). Le bord des feuilles possède des dents très courtes et espacées. La nervure centrale, fortement saillante, est la seule visible.
Les fleurs sont regroupées en capitules solitaires (15 à 20 mm de diamètre) de type corymbe. Les fleurs tubulées sont très nombreuses et les 12 à 13 fleurs ligulées s’enroulent rapidement vers le dessous du capitule.
L’involucre présente un rang interne de bractées égales, doublées à la base de bractées nettement plus courtes, appelées bractéoles.
Les extrémités pointues et la partie médiane des bractées internes sont de couleur brune.
Les fruits sont des akènes de 2 mm de long munis d’une aigrette de soies blanches plumeuses. La dissémination des graines (10.000 à 30.000 par pied) est surtout anémochore, parfois épizoochore. Les graines ont une durée de vie de 5 ans maximum.
Les photos ont été prises par l’auteur au Parc du peuple de l’herbe à Carrières-sous-Poissy (78) et à proximité de l’étang de la Marche à Vaucresson (92)